Interview de Yuji Naka sur la création de Prope et ses premiers jeux
Par ced_
Publié le 31.12.2008
Yuji Naka a quitté la Sonic Team en 1998 pour fonder son propre studio Prope. Il revient sur ce nouveau pari et nous parle de ses premiers jeux.
Yuji Naka et Prope
[Dans le dernier numéro de Game Developer magazine, Brandon Sheffield présente une interview qu'il a pu donner avec Yuji Naka, le co-créateur de Sonic, qui a quitté Sega pour monter son studio nommé Prope et créer l'innovant Let's Tap.]
Parmi les fans de Sonic tout le monde connait Yuji Naka pour avoir été le co-créateur (avec Naoto Oshima) du jeu Sonic. A l'époque Yuji Naka était programmeur et concepteur. C'est en parti grâce à lui que Sonic a pu rapidement devenir une référence au niveau gameplay mais aussi au niveau technique avec son fameux scrolling multidirectionnel rapide.
Il s'est ensuite retrouvé à la tête du studio Sonic Team avec au tableau de chasse des jeux comme NiGHTS, Chu Chu Rocket, Samba De Amigo, ainsi que la grande majorité des jeux Sonic.
Depuis début 2006, Yuji Naka a quitté Sega pour son propre studio, dont les deux premiers jeux Let'Tap et Let's Catch furent dévoilés au Tokyo Game Show de septembre 2008. Le premier est un party game, le second un jeu wiiware. L'originalité du premier titre vient du fait que le joueur n'a pas la wiimote en main mais doit la poser sur un support en carton (fourni avec le jeu) et taper sur celui-ci pour jouer.
Yuji Naka n'a pas l'habitude de donner des interviews à tout bout de champs. Il est plutôt du genre réservé comme peuvent l'être les employés de Nintendo Japon. Ce manque de communication a souvent permis à beaucoup de ses détracteurs de le présenter comme quelqu'un de mal aimé dans ses équipes, à l'attitude dictatoriale (Peter Moore et les équipes de Sonic X-treme s'en souviennent encore). Il se dit même que lorsqu'il a quitté la Sonic Team, il a proposé a ses collaborateurs de le suivre et que personne ne fut intéressé.
Mais Yuji Naka ne semble pas s'en soucier et continue à créer comme il a toujours voulu le faire. Dans cette interview, il apparaît comme un passionné de jeux vidéo, voulant seulement faire plaisir aux joueurs en les surprenant avec des concepts auxquels ils n'auraient pu penser.
Allez, je vous laisse apprécier cette interview où il revient sur les motivations qui l'ont poussé à quitter Sega, et parle des jeux sur lesquels il travaille à Prope.
Interview :
D'où vous est venu l'idée de Let's Tap ?
Yuji Naka : C'est une idée qui m'est venue lorsqu'on travaillait sur un autre jeu. J'ai remarqué que la wiimote était extrêmement précise et était capable de détecter même de petites vibrations.
Nous avons fait des tests en plaçant la wiimote sur un bureau et en tapant sur celui-ci.
La wiimote arrivait à détecter nos frappes, mais aussi celles que l'on donnait sur le bureau adjacent.
En voyant cela, je me suis dit qu'il y avait peut-être moyen de faire quelque chose avec ça.
Jusqu'à présent les jeux de rythme sont dans leur principe extrêmement numériques -- ils détectent des 0 ou des 1, du on/off en résumé -- alors que ce contrôleur permet de mesurer plusieurs niveaux d'input entre ces deux extrêmes.
Donc nous avons fait toutes sortes d'expérimentations pour transformer les jeux musicaux "numériques" en jeux "analogiques" pouvant détecter plusieurs niveaux d'input.
Était-il difficile de faire un jeu intéressant à partir d'une interaction aussi simple que celle-ci ?
YN : En fait, au cours de la journée, sans s'en rendre compte, on tape souvent en rythme sur diverses choses. Je le fais tout le temps, et je pense que tout le monde le fait. Donc, je me suis dit qu'on pouvait mettre ça dans un jeu. C'est ce qui fait que le jeu est marrant.
Après, il y a pleins de jeux musicaux ou rythmiques qui vous demandent de taper en rythme en fonction de ce qui se passe à l'écran. Mais même dans le cas de Guitar Hero, c'est toujours du on/off, 0 ou 1. Il n'y a pas de mesure de force par exemple.
Avec ce jeu, il y a tout un spectre de force possible en tapant. C'est quelque chose de nouveau dans les jeux musicaux.
Avec beaucoup de jeux Wii, je finis toujours par avoir mal au poignet.
YN : Oui c'est vrai.
Est-ce que ce jeu est différent ? Il ne risque pas d'avoir mal aux doigts ?
YN : Quelque part, vos doigts fatigueront forcément au bout d'un moment. C'est un jeu musical après tout ! Tout est question de modération. Moi j'ai l'habitude donc ça ne me pose plus de problèmes, mais quand vous commencerez, vous devrez faire face à cela. Mais je pense que ça ne pose pas spécialement de problèmes.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de quitter Sega, ou de ne plus travailler sous le nom de Sega ?
YN : En fait, j'aurais pu rester chez Sega, mais j'ai aussi un poste intéressant ici.
L'industrie du jeu vidéo a une courte histoire derrière elle, et par conséquent, plus vous faites de jeux, plus vous montez en responsabilité, jusqu'à finir à la tête des équipes et ne plus avoir de temps pour faire des jeux.
C'est mieux de rester impliqué dans le processus de création des jeux, non ? Dans le cinéma, le réalisateur est à la position hiérarchique la plus haute mais reste complètement impliqué dans le processus créatif du film. Et il continue ainsi tout le reste de sa carrière.
L'industrie du jeu vidéo n'est pas vraiment pareille, et je pense que beaucoup de gens ratent des opportunités à cause de cela.
Avant de quitter Sega j'avais une position qui me permettait de jeter un oeil à tous les jeux de la compagnie.
Mais quant j'étais à cette position, je me suis rendu compte que je voulais être impliqué jusque dans les moindres détails, et cela aussi sur les jeux Sonic -- du genre "c'est mieux si ce truc fonctionne comme cela plutôt que comme cela".
Donc à 40 ans j'ai convaincu Sega de me laisser monter un studio de développement -- Sega restant derrière pour me soutenir et publier les jeux.
Tout cela pour dire que si tu es un créateur de jeu, ta position au sein d'une entreprise n'a aucune d'importance tant que tu peux créer.
C'est mieux pour l'industrie, et c'est plus intéressant pour tous les gens impliqués sur les projets.
Combien de personne travaillent en ce moment à Prope ?
YN : En ce moment nous sommes 40.
Est-ce que les jeux "Let's" vont devenir une série de jeux ?
YN : Si ça se vend bien, sûrement. Évidemment, il est impossible de savoir si ça va bien se vendre, mais si ça se vend bien -- et si beaucoup de gens s'amusent dessus -- j'adorerai en faire d'autres.
Est-ce que Prope va se concentrer que sur ce type de jeux simples ?
YN : Nous travaillons sur un jeu de type Sonic en ce moment. Nous voulons faire toute sorte de jeux.
Avec un personnage principal par exemple ?
YN : Oui, c'est ce que nous faisons en ce moment.
J'ai remarqué le pingouin sur la page promotionnelle (un des slogans du jeu est "Le premier jeu au monde auquel un pingouin peut jouer !") -- il y en a même un sur les cartes Suica (carte de transport au Japon). D'où vient cette fascination qu'ont les japonais pour les pingouins ?
YN : Vous avez raison, je les adore ! Depuis toujours. Et vous savez quoi ? C'est vrai, même un pingouin peut jouer à ce jeu.
Regardez le poste de démo là-bas, montrant le "Visualizer" -- Tout ce que vous avez à faire dans ce jeu c'est taper, il n'y a rien d'autre à faire.
Jusqu'à 80 ans, vous pouvez vous amuser sur ce mode de jeu. C'est le genre de chose que vous pouvez découvrir tout seul en l'essayant.
En fait, les contrôleurs fonctionnent si bien que vous pouvez essayer de jouer avec vos pieds si vous le voulez.
J'adorerai voir des pingouins essayer le jeu.
YN : J'aimerai aussi !
D'une certaine façon, les gens qui ont perdu leurs bras peuvent aussi jouer à ce jeu. Y avez vous pensé ?
YN : Je n'irai pas jusqu'à dire que j'y ai pensé, mais ça fait toujours plaisir de voir un maximum de gens apprécier votre travail.
Il y a un site, AbleGamers, créé pour les fans de jeux vidéo handicapés. C'est sûrement un projet qu'ils trouveront intéressant.
YN : Je pense, à mon avis ils n'auront pas de problèmes pour y jouer. Vous pouvez même y jouer avec un seul doigt.
Est-ce que vous avez déjà pensé à partager vos idées lors d'une GDC (Game Developer Conference) ?
YN : J'adorerai y retourner, mais si c'est le cas je voudrais y recevoir le First Penguin Awards. (rires) C'est aussi pour cela que je fais des jeux comme celui-là.
C'est vraiment dommage qu'ils aient changé le nom pour Pioneer Award. Si j'avais le choix, je préférerai avoir le "First Penguin Award" ! Même si ça prend 10 ou 20 années pour y retourner.
YN : En ce moment nous sommes 40.
Est-ce que les jeux "Let's" vont devenir une série de jeux ?
YN : Si ça se vend bien, sûrement. Évidemment, il est impossible de savoir si ça va bien se vendre, mais si ça se vend bien -- et si beaucoup de gens s'amusent dessus -- j'adorerai en faire d'autres.
Est-ce que Prope va se concentrer que sur ce type de jeux simples ?
YN : Nous travaillons sur un jeu de type Sonic en ce moment. Nous voulons faire toute sorte de jeux.
Avec un personnage principal par exemple ?
YN : Oui, c'est ce que nous faisons en ce moment.
J'ai remarqué le pingouin sur la page promotionnelle (un des slogans du jeu est "Le premier jeu au monde auquel un pingouin peut jouer !") -- il y en a même un sur les cartes Suica (carte de transport au Japon). D'où vient cette fascination qu'ont les japonais pour les pingouins ?
YN : Vous avez raison, je les adore ! Depuis toujours. Et vous savez quoi ? C'est vrai, même un pingouin peut jouer à ce jeu.
Regardez le poste de démo là-bas, montrant le "Visualizer" -- Tout ce que vous avez à faire dans ce jeu c'est taper, il n'y a rien d'autre à faire.
Jusqu'à 80 ans, vous pouvez vous amuser sur ce mode de jeu. C'est le genre de chose que vous pouvez découvrir tout seul en l'essayant.
En fait, les contrôleurs fonctionnent si bien que vous pouvez essayer de jouer avec vos pieds si vous le voulez.
J'adorerai voir des pingouins essayer le jeu.
YN : J'aimerai aussi !
D'une certaine façon, les gens qui ont perdu leurs bras peuvent aussi jouer à ce jeu. Y avez vous pensé ?
YN : Je n'irai pas jusqu'à dire que j'y ai pensé, mais ça fait toujours plaisir de voir un maximum de gens apprécier votre travail.
Il y a un site, AbleGamers, créé pour les fans de jeux vidéo handicapés. C'est sûrement un projet qu'ils trouveront intéressant.
YN : Je pense, à mon avis ils n'auront pas de problèmes pour y jouer. Vous pouvez même y jouer avec un seul doigt.
Est-ce que vous avez déjà pensé à partager vos idées lors d'une GDC (Game Developer Conference) ?
YN : J'adorerai y retourner, mais si c'est le cas je voudrais y recevoir le First Penguin Awards. (rires) C'est aussi pour cela que je fais des jeux comme celui-là.
C'est vraiment dommage qu'ils aient changé le nom pour Pioneer Award. Si j'avais le choix, je préférerai avoir le "First Penguin Award" ! Même si ça prend 10 ou 20 années pour y retourner.